mercredi 27 mai 2009

Un diner sur la Seine

Et si un jour je venais à tomber amoureux de la plus belle des mouches?

Je la vois déjà, éblouissante et sereine, courant sur mon cadavre vomi par la Seine. Moi, écorché, sur une rive paisible, j'offrirai alors une épaule sur laquelle se reposer. Une épaule d'homme, rassurante et musclée. Une épaule morte, mais rassasiante à souhait.

Je prépare le diner.

mardi 19 mai 2009

De la poudre dans les yeux aussi.

Je ne savais pas qu'il était possible de feindre l'euphorie à ce point.

Déposé au milieu de trois cents personnes, largué dans ce parc de divertissement forcé, je me retrouve seul dans une foule désinhibée.
Je suis seul. Je suis sobre.
Faire figure de vieux con m'importe peu, la joie simulée m'excite autant qu'un suicide raté.
Je suis donc là, noyé dans un vacarme continu et entouré par des sexes saouls s'agitant sur des vibrations régulières. Une adolescente parle en rythme de champagne, de sexe et de cocaïne avec accent anglais mal imité. La dictature de la joie est désormais établie partout, même dans ce qui sert de musique. J'essaye de m'acclimater, mais tout ce que je fais semble devoir me faire culpabiliser, je ressens une pression énorme qui veut me forcer à m'amuser: demander une boisson sans alcool est suspect, aller pisser sans en revenir plus en forme que jamais est troublant.

La fête à Paris est une caricature.

Je ne m'amuse donc pas, mais j'observe. Assis sur le coin d'une table, je découvre des corps en mouvements, des individus qui en deviendraient presque intéressants par leur inquiétant mimétisme: ils sont toutes habillés de la même façon, ils ont tous le même comportement.
Et surtout, même dans leur état, ils consomment.
De l'alcool pour dire beaucoup de choses, de la musique forte pour en entendre peu et de la drogue parce que c'est mieux. Puis ils se consomment aussi entre eux: les numéros de téléphone se monnaient en cigarettes, les baisers en mojitos. Chaque émotion se voit vendue au plus offrant, une prostitution sentimentale régie par les lois du marché. Au fil des heures cet endroit est devenu le temple d'un monologue consumériste désolant de sophistication. La simplicité du dialogue n'existe pas ici.

Je me lève, et je fini mon verre. J'aurai tenté de comprendre le principe de joie collaborative, mais faire semblant de m'amuser coute bien trop cher à mes yeux.

J'aimerai tant être saoul pour vomir.

mercredi 6 mai 2009

Violet

Elle est seule dans le dernier wagon du dernier métro.
Elle a bu. Elle a peur.
Sa jupe ne couvre pas ses genoux, et ni son maquillage plâtreux ni ses bas trop fins ne peuvent lui apporter un quelconque sentiment de protection.
Elle tente de paraître intouchable dans cette carcasse vide qui la ramène chez elle, mais à chaque arrêt, elle se sent nue et à la merci du premier venu.

Le voila qui entre.

Tête basse, un blouson en cuir et une démarche qu'il maitrise à peine.
Elle a peur. Il a bu.
Assis face à face elle sent qu'il vient de la déshabiller d'un regard suant l'alcool et l'ennui. Elle voudrait lui cracher à la gueule et le faire payer pour tous les autres. Le courage lui manque, et la force aussi.

Lui la trouve belle, même s'il la trouve trop maquillée.
Les jolies filles lui font parfois oublier qu'il déteste ces fin de soirées en solitaire, et aussi qu'il se déteste de la même manière.
Mais comme toujours, il voit bien qu'elle fait tout pour éviter de le regarder. Il se sent seul et ignoré, il se surprend à vouloir pleurer en se demandant pourquoi il n'aura jamais la chance de se réveiller à ses côtés.
Ils ont bu, il a peur.
Il va sortir au prochain arrêt, il doit se lever.

Il en violera une autre pour se venger.


illustration par RAin.